vendredi 22 mai 2009

Habitudes : texte 1

Suite à une discussion animée entre amis sur les habitudes j'ai envisagé deux possibilités: les habitudes sclérosantes et les autres, celles qui donnent sel à la vie par tous les petits bonheurs que l'on cueille. Donc, un premier texte

« Faire trop longtemps la même chose, au même endroit, à la même heure, cela rend vieux.»
Christian Bobin



Habillée, toute endormie par la routine
Altérée à l’eau glauque d’années répétées
Aveuglée par les sensations instituées
Ankylosée d’attitudes gélatine
Je sombre figée dans le quotidien
De ces jours sans début ni faim

Bipède centrée sur une vie morbide
Bigleuse à l’affût de l’aiguille pendule
Bichonnant dur cette carapace en bulle
Bicoque creuse pour tête emplie de vide
Sans bouger un seul mot à ma page
Je coule dans l’engrenage



Tuber les heures posées rails parallèles
Tuer l’insolite et bannir les surprises
Tuméfier, liquéfier la matière grise
Tunnel glacé d’un temps à briser les ailes
J’imprime mes aujourd’hui sans envies
Sur la route déjà suivie

Demi-mesure, demi-longueur sans déraison
Demi-soupir, à demi-mot au demi-jour
Demi-place, en demi-teinte sans demi-tour
Demi-soupir, demi-mal, jusqu’à crevaison

Les habitudes d’hier, aujourd’hui et demain
Forgent la petite mort en un tour de mains

mercredi 13 mai 2009

mon myspace




Je ne ...pas


Je ne crèverai pas le sac plastique de ta poubelle
aux marches des escaliers de ton immeuble
Je n'introduirai pas au matin de ton réveil
le journal à l'encre noirci des catastrophes du monde
Je n'aspirerai pas la poussière du temps qui passe
sous les meubles de ta salle à manger
Je ne règlerai pas les factures à la lumière
de tes longues nuits d'insomnie
Je ne changerai pas le joint du robinet
d'eaux troubles trop tièdes pour noyer ton ennui
Je ne baptiserai pas ton lit à la mauvaise haleine
des réveils matin avant les départs au travail
Je ne m'encolèrerai pas sur la bête plastique
qui sonne pour ne rien dire quand il ne faut pas
Je ne cueillerai pas au revers de ta veste
les cheveux de ton indifférence pour les couper en quatre

Je veux de toi
La transparence douce de mes moments d'attente
dos tendu à la terre pour les vibrations de la cage ascenseur qui te ramène
Mon mal au coeur dans mes nausées à ton absence
et ma peur de te voir oublier de me dire je te pense
Mon doigt qui frôle la peau rude de ton cou
pour desserrer le noeud cravate de ton sérieux affiché
Tes mains victoires sur le temps qui ouvrent
à la transcription matricielle de tes regard dans l'amour
Et ton cri
Tout ce que tu ne veux pas,
tout ce que tu ne peux pas
Tout ce que tu ne sais pas
Tout ce que je ne sais pas
Tout ce qui fait que je te cherche encore

Mon petit Tout


Mon grand Tout commence
par un Tout petit bout.
Une enfant pâquerette a avalé Tout un coin de ciel bleu,
le regardant Tout droit, les yeux dans les yeux.
Gratouillant la terre du tendre bout de la pulpe de Tous ses doigts,
elle a feuilleté page à page Tous les brins de l'herbe du pré
A rampé Tout au fond, à l'essentiel des découvertes.
Puisant à la perle de ses joues Tout le sel de mes baisers,
elle a plissé en Toute tendresse le bout de son nez,
a déposé le Tout en une seule goutte de rosée
puis a froncé Tout doux deux sourcils circonflexes
pour entrer Tout entière
dans le cœur soleil de sa Toute première fleur

J’suis cocue, les filles


J’suis cocue, les filles
J’suis cocue
J’ai à nouveau l’œil qui brille
Lancé droit mes banderilles
Chassé comme escarbille
Cet homme de pacotille
Pas à culpabiliser
Balancer tous ses paquets
Tout en bas de l’escalier
De mon home licencié

J’suis cornue, les filles
J’suis cornue

Finis tous ses maux de bide
Ses problèmes de carotide
Et quelques odeurs fétides
A faire rêver d’homicide

Les «tu sais je n’en peux plus »
Les «j’suis vermoulu-moulu, »
Les « ben, ça, c’est exclu »
Qui collent au cul tout comme glu

J’suis coiffée, les filles
J’suis coiffée

M’endormir sans ronflements
M’éveiller sans coassements
M’arc-bouter sans gémissements
M’étirer sans aboiements

Prendre sa place dans le lit
Bras en croix toute la nuit
Tendrement guetter la lune
Chantonner je suis plus qu’une

J’suis cocue, les filles
J’suis cocue
Cornue, blousée, coiffée, poirée
Oui mais,

J’ai toujours la taille fine,
Oeil brillant, jambe badine
J’ai délesté mes larges poches,
Raccroché mes vieilles galoches
Rehaussé mes yeux de khol
Raccroché tous mes bémols
Pour chausser mes espadrilles,
Jupon battant la cheville

Alors, si toi aussi, la fille,
Ton mari ou amant camomille
Bernard, Louis, Cédric ou Gontran,
Pas trop moche cependant,
Pour aider une copine
Je peux jouer l’adultérine

Tu s’ras cocue, ma fille,
Tu s’ras cocue

Et ce soir-là
Frangine,
Œil brillant, et taille fine
Abandonne l’aspirine
Pour fredaines extra-fines
......................................................................................
DriNNNGGGG... évidemment que je m'occupe d'abord des copines...

« Mieux vaut être cocu que quincailler, ça fait moins
de bruit quand on déménage » Rémi Pacthod

Sans dessus -dessous



Tous sens s’emballent et rayonnent
Sans dessus dessous bouillonnent
Je ne te sais pas d’hier
Mais je pose la première
Une main droite
Si maladroite

Je guette pour toutes saveurs semées
Musiques couleurs vives renversées
Chacune des rues à angle croisé
Écoute ouverte rose et lavande
La mi nuit clinquante sarabande
De ses notes parfumées palpite
Fragilité blancheur clématite
Chant éclatant sucre d’été gorgé
Balancement du grand plaqueminier
L’or couchant des kakis murs dépose
Larges éclaboussures virtuoses

Le sans dessus dessous des sens
D’incertitudes fragrances
Tu ne sais que l’aujourd’hui
Pourtant tu offres sans bruit
Une main droite
A ma main droite

Comme notes lancées hirondelles
Noires et blanches agitent sous le vent
Le fil ténu découvertes élan
Le jour s’écoule long en mal de toi
Palpite câline source d’émoi
Ton absence court les chemins semés
De si et de la musique affamée
Partition lignes de vie en prise
Portée perdue à la mi voix devise
Déchirure éclair dos à dos butoir
De tous les au revoir en désespoirs

Et nos voix murmurent croisées
Les sens dessus dessous soudés
Le présent corde sa lyre
D’ amour le temps s’étire
De ma main gauche
A ta main gauche

La vue ne craches plus nuages cendres
Trait au pinceau pour l’espace tendre
Éclabousser carmin droit aux étoiles
Pointer ciel outremer robe de voiles
Pimenter soleil armer arc-en-ciel
L’avenir de formes essentielles
Roule ruisseau en vacance d’orages
Danse les rames de l’orme tangage

Tendue à espérer acquise
Bleu sourire ouvert je vise
La bouche au clair tes yeux
Porte dérobée l’aveu
Ouvre main gauche
Sur ma main gauche

Suivant un long trait qui glisse agile
Du doigt point d’interrogation je file
Rais de blanc tissant ma chevelure
Jetant des certitudes l’armure
Nos mains se dérobent pour jeu d’enfant
Sens dessus dessous tendresse ouvrant
Le souffle vole de terre à nuages
Semant ses graines de mots en partage

Pyramide de mains
Sans voir début ni fin
Pour chaque jour qui vient

Rupture


Le passé dégouline du présent,
transparence de l'air au glacé de la nuit.
Il se pavane dans l'idiotie d'une lune
béate en mal de nuages rosés.
Il pose sa main oisive sur un tronc raviné.
De la souche du vieux merisier
lèvent trois fûts d'ennui à ramure échevelée.

Ce temps de la mort se nourrit
dans l'absence de lumière blanche
Il pénètre la brise éphémère
en grande parade pour stopper,
à la limite du filet des larmes
Il balance au large une voilure de façade.
Sa griffe masquée se joue des apparences

La haine rampe aux noeuds du délire
éjaculant les cadavres du passé
Rien, non rien n'échappe à ses crocs tendus.
Son avidité engloutit la douceur des matins,
efface jusqu'au regard de l'enfant surpris au saut du lit
L'indécence des vieilles rancoeurs perdure
dans la chair même du ressenti,
vibrant encore la non existence de ce couple agonie
L'appât du vide exerce à l'envie une fascination morbide

Puis vient le présent,
l'instant choisi pour
sortir de la plainte des paroles hors sens
abandonner la banalité du paraître
dérober le semblant aux faux semblants

L'heure d'ouvrir la porte
au gel qui prend son temps,
courant chaque brin d'herbe
nappant de sucre glace la campagne d'avril.

Bâiller au présent
Ecarquiller les yeux
Ouvrir large la bouche,
Retrouver le goût de l'eau et du sel

comptine d'avril à mai


Un deux trois
nous irons au bois
Cueillir le loup, le loup garou
A voir s’il vaut encore un clou.
Pour le muguet sauvage
Je repasserai quand j’aurai l’âge
L’âge de devenir sage
De savoir tourner la page

Sainte Gudule que de regrets
Nos saisons trop décalées
Ne sont plus ce qu’elles étaient
Et nous voilà bien marries
En ce bon mois de Marie

Quatre cinq six
Cueillir des cerises
Mais quand vous serez trop mûres
Pour aimer sous la ramure
Vous aurez fait votre temps.
Cela deviendra dur et peu fréquent
De décrocher un minet
After shave fleurant boisé.

Saint Ursule que d’égarées!
Les saisons pour cavaler
Ne sont plus ce qu’elles étaient
Nous en voilà bien navrées
En ce joli mois de mai

Sept huit neuf
Dans un panier neuf
Nous n’y mettrons pas tous nos œufs
Soyons prudentes, il vaut mieux mieux.
Nous avons couru dès l’aube
Griffé nos mollets, déchiré nos robes
Nous en retournons déçues
Nous n’avons rien aperçu.

Sainte Bidul’ qu’y pouvons-nous
Pour courir le guilledou
Les jeunes mecs à draguer
Campent devant la télé
En ce joli mois de mai.



Dix onze douze
Elles sont toutes rouges
On nous a bien embobinées
Nos grands-mères nous ont conté
De belles histoires à dormir debout
Fables à nous bourrer le mou.
Les loups ne courent plus les bois
En tout cas près de chez moi.



Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont fleuris
La belle que voilà restera dans son lit.
À compter de ce jour nous l’avons décidé
Courons les boîtes et les cafés
Vive les grasses matinées
Suite des nuits bien arrosées.
Et si on te dit « en avril
Ne te découvre pas d’un fil »
Patiente s’il te plaît
Au joli mois de mai,
Tu fais ce qu’il te plait

Oh! joli mois de mai!
Oh! Doux mois de Marie!

A toi l’artiste


A toi l’artiste
Toi qui ne mets pas ta musique en tubes
Mots ketchup
Musique mayonnaise
Toi qui flirtes à la vache enragée,
Enragée de habitudes

Habitudes vendues
Comme paquets de chips
Ça craque gras
Ça colle aux doigts
Ça pourrit la tête
Ça pourrit le cœur
Ça gèle la pensée
Ça stérilise l’imaginaire
Ça rend sage

Tu n’es pas en concentré
Consigné
Dans ce
Bip insolent portable
Qui crache à la rue
Ses ritournelles aigres
Jetant aux oreilles passantes
Les mots d’une intimité frelatée

Aux sans dessus-dessous
Des oublieurs du sens

Narguant la mode
Des ravageurs d’idées
La mode virevolte
Qui tue les éphémères

Tutoyant les mots et les notes
Tu enchantes nos nuits
Cafardeuses de vide
Tu épices notre vie entubée

Tu surprends
Les mots qu’on ne sait pas
Les images qu’on ne voit plus
Les mélodies qu’on ne soupçonne pas

Tu nous souffle le rêve, les émois, les révoltes
Et,
Surfant sur tes vagues
On apprend à baguenauder
Aux creux des drailles d’une pensée
Poète
Toujours renouvelée

guerre



Le ciel plombe, la lumière trace avec peine au carreau jauni,
les camions martèlent lourdement le silence au pas de la rue

Dans cette forteresse d'angoisse courent les espoirs désaffectés,
ce jour comme un autre ouvre au bas du ventre une fenêtre brutale

A l'ombre des cailloux la révolte rumine privée de ses pavés
elle est clouée au creux des corps dans les fosses de l'or noir

Tempête à gogo sur passage à la haine, l'écriture dégoûte comme
dégoutte l'eau grise du caniveau dans cet hiver douceâtre

Tu pense la mort de l'autre et tu te figes au sein des abandons
tu ne flottes plus dans ta bulle irisée, te vivant maître des vents

Qui est ce monceau de nourritures
accumulées surgelées, conservées, stérilisées ?
Qui est cette peur immonde armant les bras de la guerre
déroulant coquille sur coquille pour protéger un ventre mou ?

Choisir
et penser sa complétude dans l'existence de tous les êtres

Risquer
et arrêter ce jeu de la guerre dont chaque bille coûte la peau de l'homme
Rêver
et porter des mots au parfum de café noir détalant aux pages de la nuit
Equationner
et créer des formules magiques pour accrocher des ailes aux étoiles

Chasseurs d' enfants



C'était un jour d'hier
ou un jour de demain
en tout cas,
non
je ne veux pas
ce n'est pas
le jour d'aujourd'hui
Il a sûrement perdu
pour ce soir là
La forêt aux odeurs sourdes de terre mouillée
l'eau souple de la rivière à la jointure du pâturage
la coulure des hautes herbes fuyantes sous les vents d'est
les glaciers à la dérive ruisselants des eaux lunaires
le sable des déserts pétris aux tempêtes des vents
le moment des heures bleues où se fondent terre eau et lumière
Il n'a pas d'appeau,
Il n'a pas de gibecière
Même pas de lame à dépecer les loups
Son épaule moule juste la crosse du fusil
Il chasse à l'affût
au coin de la rue
de la rue de sa ville

se claquemure
toutce qui possède une clé à tourner
et la serrure qui va avec
Tout ce qui se croit homme
Tout ce qui se croit femme
Ce soir
non
pas ce soir
La nuit en devient froide
trop froide
Le cannibalisme
a loi de cité
dans cette rue de l'homme
dans cette rue de la femme
De cet homme qui déboutonne sa chemise au sommeil
De cette femme qui endort sa tête dans l'ombre de ses cheveux
Au coin de la rue,
de la rue de cette ville
la chasse est ouverte,
la chasse à la peau
à 30 dollars la peau
la peau de ce qu'on ne veut plus comme enfant de la rue
Comme
le tir au pigeon
le tir au canard col vert
le tir au lapin de garenne
le tir aux alouettes
espèces protégées?
animaux en voie de disparition?
Alerte aux bien pensants

Ce soir le fusil claque
au coin de cette maison
à l'angle de cette rue
au crépuscule de cette ville
Traits à la craie blanche sur le tableau de chasse
30 dollars..... rendement
30 dollars..... rendement
30........
Le rythme frappé n'est plus celui des pieds de la samba
Il flotte encore aux bouches des cuisines les odeurs fortes de friture aux épices et aux piments
ce soir, l'homme a bel et bien perdu sa mémoire de l'homme

drogue



A la fête aux amandes,
tu n'es pas venue

J'ai vu le monde blasé dans sa complainte de lassitude
vendre de la poudre pour les yeux du néant

A la belle de lune,
tu n'es pas venue

J'ai senti à la veine bleutée du poignet
glisser le liquide pétrifiant de tes jeunes saisons

A la croisée de terre,
tu n'es pas venue

J'ai entendu les rêves postiches récurer ta cervelle
et griller tes dix huit ans de leurs fausses dorures

A l'aube des pervenche,
tu n'es pas venue

J'ai touché à la fragance des cendres
la nuit spirale de toutes tes errances

A la poussée de ma rage,
Je tords de mes deux poings la mort au rire aigre
qui couche au chaud de ton sein sa parure de décomposition

Petits plaisirs du jour


Un petit flocon de
Un' petit' mousse de
Un' petit' laine de
Un tout léger flocon floche de
Nuages
Un' petit' corne de
Un' petit' ronde de
Un' petit' blanche de
Un' douce petite brume de
Lune
Un petit recoin de
Un petit détour de
Un petit tintoin de
Une grande éclaboussure de
Soleil
Un petit courant de
Un p'tit panache de
Un petit passe-passe de
Un envol tourbillonnant de
Vent
Un' petit trace de
Un' petit' route de
Un' petit' toile de
Une fraîche saupoudrure de
Pluie
Au dérapage de la corne
Au recoin de la trace
Au détour de la mousse
A la brume de la pousse
Dans son tout doux cocon nuage s'endort
La ribambelle des tout petits plaisirs du jour

Attente au jardin



Il existe et je l’ai vu
Un coin de terre vivant de hautes herbes
Comme un ailleurs, un autrefois visité.
Un sentier à la largeur de mes deux pieds
Une plaque de liège en travers
S’asseoir.
Les grappes de graines en faisceaux verts balayent le ciel
Courent les nuages sous leur pinceau ,
tu sais?
Au-dessus de ma tête
L’odeur du frais de l’herbe

Les doigts fouillent la terre, humide
La terre colle aux doigts
La terre glisse sous les ongles,
Juste là où il ne faut pas,
ça fait sale,
on dit
Et je sais que je ne les brosserai pas
En tout cas pas tout de suite, j’attendrai
Je cacherai mes mains dans mes poches
J’en respirerai encore ce soir le parfum
Comme le sel de mer à la nuit des plages,
Je dis.
Le regard flotte, un peu là-haut
Deux fuseaux noirs, des martinets,
Non, deux ventres blancs et la joie des premières hirondelles

Une autre plaque de liège, en long
La largeur de deux autres pieds
Deux autres mains, rugueuses,
Un fond de bouteille coupé
Des fils dans la terre, encore emprisonnés
Deux feuilles minuscules au bout de chaque fil
Tomates ananas, Cœurs de bœuf, noires de Crimée, et…
j’ai oublié

Les deux autres mains séparent fil à fil , précision et douceur
Le temps ne se mesure plus, il coule à l’eau du ruisseau
Un bâton pour ouvrir un passage dans un pot plus grand
Le vent d’Espagne souffle chaud, il pleuvra demain
Les pots préparés s'alignent sagement
Quelques gouttes d’eau, ne pas déplacer les racines
Retour à la nursery.
Pour la pleine terre,
Attendre encore un peu

Je ferme les yeux.
J’ai la mémoire à odeur de feuilles de tomates froissées
Le jus coule et éclabousse les joues au croquer franc
Dents pleines dans la chair rouge et tiédie du soleil d’été
Attendre encore un peu


Les sillons, dans le jardin, ne pas écraser
Les pommes de terre déplient leurs pousses tendres
Balancement de grappes jaunes , colza aérien?
Non, les graines à venir pour les navets jaunes
Si tendres l’hiver, avec les carottes et les petits poireaux
Je me pose sur le bord du bassin, en forme d’escargot,
Ou de sein retourné quand il est vide,
Tu dis
Une planche de liège flotte, bouée pour écureuils imprudents
Je cueille quelques feuilles de menthe verte,
Parfum au thé vert du matin
Et la menthe coq , je confonds avec l’oseille

Je retourne quelques fraises, leur posé au sol est encore clair
Attendre encore un peu
Les petits pois sucrent sous la peau, croquer quelques grains
Attendre encore un peu
Le cerisier tend quelques fruits verts au-dessus des iris
Attendre encore un peu

Un pont de roseaux liés de rouge, tuteurs
Pour les haricots roses et blancs, grimpants,
Le parfum iris des iris violets,
La senteur vanille des iris jaunes
Le vent d’Espagne caresse le ciel de nuages pleine mer
Le temps coule encore
Tu parles
Je parle
Le chien dort sous le noyer
Une grosse branche croule au ras du sol
à la Saint-jean, avec 10 noix vertes et du vin de Lesquerde,
Du vin de noix,
Attendre encore un peu

Le temps s’immobilise, je me souviens…

Je retrouve le regard de mon grand-père,
Enchaîné à la scie hurlante de l’atelier
Le vert de ses yeux délavé par les ans
Sa présence calme à la terre
Cette longue patience en attente
Il porte sur lui l’odeur du bois,
Une odeur profonde et rude.
Au temps de la chasse, adossé au vieux chêne
Le fusil posé à terre, toujours inutile,
Prétexte
Dénouant la dernière écorce du carcan
Il s’ouvre à la forêt .
Les yeux perdus dans la haute futaie
Deux mains, rugueuses, sur les genoux
16h.
Il ouvre sa gibecière, la bouteille de muscat
De l’or au fond d’un verre

J’y trempe le bout de ma croûte de pain
J’ai dans la bouche le sucre des souvenirs
Au temps présent

vendredi 8 mai 2009

mon ombre


Mon ombre me suit ou me précède
Mon ombre est le portrait de mes vingt ans
Mon ombre ne craint pas le pas à pas du temps
Si je la cueille de mes mains tièdes
Elle fuit me laissant désabusée
Reflet émoussé
Effacé


Elle joue quatre horizons sans passé ni futur
Elle tapisse les fossés franchit les clôtures
Elle se dessine comme la ligne sans son point
Elle fripe à l’ombre des arbres comme parchemin
Elle flotte entre les eaux du jour et de la nuit
Elle frémit sans renier sa forme au gris de l’ennui

Mon ombre ouvre ma route et la balaye
Mon ombre lisse mes cicatrices
Mon ombre rit de la blessure des ronces.
Si de la pointe légère du pied
Je la caresse sans la déchirer
Sans maladresse
Tendresse

Elle précipite les rencontres en eaux vives
Elle dérive à leur surface jamais captive
Elle se rit des faux pas trébuchés et des drames
Elle ne redoute pas les creux du vague à l’âme
Elle se déploie au pur d’un azur aquarelle
Elle coule à la vie comme eau sempiternelle

Quand je sors promener mon ombre
Je fuis pour elle la pénombre
Le bas côté pour âme sombre
Qui ne se complait que dans l’ombre

Alors, en grande lumière et sans encombre
Fidèle elle me suit ou me précède, mon ombre

l'eau rage


Sens violence d’absence
La chute des apparences
Engloutit dans ses turbulences

L’eau rage
À la marge
De ma page

Notre histoire filée à l’anglaise
Coupe pilée de tes fadaises
Sang jamais sens délacer
Sens sans cesse dénoncé
Feu acéré bouleversant
D’un feu croisé agonisant
En avilissant bafouillage
Perçant fuseau de nos orages

L’eau rage
Sans ambage
À l’abordage

Le feu du corps à cœur
Tout de violence et d’humeur
Sale brouillon des désamours
Mourant dans le contre-jour
Du grand-écart à vivre à deux
Sens juste survivre cafardeux
Départ en guerre de lasse infortune
Pour déchanter de l’un à la une

L’eau rage
Sans battage
Pour bouclage

Crève le rêve et ne se pose pas
Pailleté au pas de tes pas
Mon monde ne valse plus rond
Compressé comme presse citron
Écorché sans suite détaché
De ces brèves à papier gâché
Les mots pleureront bagatelle
Pour un soir du désespoir d’elle


Et l’eau file
Coule agile
Le temps indélébile

D’argent au coeur de l’ennui
La lune se berce au creux du lit